Le marketing d’influence occupe désormais une place centrale dans le paysage publicitaire, créant un espace où la transparence et le respect des obligations légales deviennent des enjeux majeurs. Dans ce cadre, les influenceurs doivent clairement informer leur audience de la nature commerciale de leurs collaborations, conformément à des règles strictes. La législation, renforcée par des contrôles rigoureux, impose aux acteurs du secteur de respecter des normes de transparence, afin de protéger à la fois les consommateurs et l’intégrité des relations commerciales. Pourtant, les pratiques trompeuses, telles que la publicité dissimulée, et l’absence de contrats clairs continuent d’alimenter les conflits juridiques, renforçant ainsi la nécessité d’un cadre légal strict et d’une régulation accrue.
IV. La transparence et respect des obligations légales : un enjeu majeur pour influenceurs et marques
A. Les obligations de transparence en matière de publicité
Le marketing d’influence repose sur la transparence : lorsqu’un influenceur promeut un produit contre rémunération, il doit informer son audience de la nature commerciale de la collaboration. La DGCCRF veille à ce que tout contenu sponsorisé soit clairement identifié, avec des mentions explicites comme #sponsorisé, #publicité ou #partenariat rémunéré, visibles dès le début du contenu.
La transparence est essentielle pour maintenir la confiance entre l’influenceur et son audience, et la mention explicite d’un partenariat prévient toute accusation de manipulation commerciale. Les plateformes sociales telles que YouTube, Instagram, et TikTok offrent des outils pour faciliter cette transparence, comme des bandeaux « contenu sponsorisé ». Ignorer ces outils peut entraîner des sanctions, telles que le déréférencement du contenu ou la suspension du compte, conformément à la réglementation de la Directive sur les services numériques (DSA) adoptée par l’Union européenne en 2022.
B. Les sanctions pour pratiques trompeuses et manquement aux règles de publicité
Le marketing d’influence, autrefois dans une zone grise, est désormais soumis à une surveillance stricte. Les pratiques trompeuses, telles que la publicité dissimulée, exposent les influenceurs et les marques à des conséquences graves, telles que des sanctions financières, des poursuites judiciaires et une atteinte à la réputation.
L’article L.121-1 du Code de la consommation interdit la dissimulation de la nature publicitaire d’un contenu. Par exemple, un influenceur qui promeut un produit sans préciser qu’il est rémunéré ou a reçu le produit gratuitement viole cette règle. Les sanctions sont sévères, avec des amendes pouvant atteindre 300 000 euros, deux ans de prison, et des interdictions professionnelles en cas de récidive, en vertu de l’article L.132-2 du Code de la consommation.
Depuis 2022, la DGCCRF a renforcé ses contrôles, infligeant des amendes et des interdictions temporaires. Les marques aussi peuvent être sanctionnées si elles encouragent la dissimulation ou ne mettent pas en place des mécanismes de contrôle pour garantir la transparence. Par exemple, en juin 2023, la DGCCRF a sanctionné six influenceurs pour pratiques commerciales trompeuses, notamment pour ne pas avoir clairement indiqué le caractère publicitaire de leurs publications.
Les conséquences vont au-delà des amendes. Un influenceur peut perdre en crédibilité, être déréférencé sur les plateformes et perdre des contrats avec des marques. Pour les marques, cela peut ternir leur image de marque, entraîner un boycott des consommateurs et engendrer des sanctions financières importantes.
V. Rupture de contrat et gestion des litiges : quels recours pour les parties ?
A. Les motifs de rupture du contrat entre influenceur et marque
Les contrats de collaboration définissent les obligations des parties, mais des litiges peuvent survenir, entraînant une rupture anticipée. Les motifs principaux incluent le non-respect des engagements, l’atteinte à l’image ou le non-remplissage des critères de performance. La résiliation doit être justifiée et respecter les clauses prévues pour éviter qu’elle soit jugée abusive.
L’article 1224 du Code civil dispose que la résiliation d’un contrat peut intervenir en cas de manquement grave à ses obligations, mais elle doit être précédée d’une mise en demeure. En cas de manquement non grave, la rupture pourrait être jugée abusive.
Un partenariat peut être rompu si l’une des parties subit une atteinte à son image. Certains contrats prévoient des clauses de rupture en cas d’atteinte à l’image, permettant de mettre fin au partenariat sans indemnité.
Concernant les clauses de performance, l’article 1171 du Code civil interdit les clauses créant un déséquilibre significatif entre les parties, ce qui peut s’appliquer aux critères de performance qui ne tiennent pas compte de facteurs externes comme les algorithmes des plateformes. Une clause de performance abusive peut être révisée par le juge sur le fondement de cet article.
B. Les moyens de règlement des différends
Lorsqu’un litige survient, il est souvent préférable de privilégier des solutions amiables telles que la médiation ou la conciliation, qui sont rapides, confidentielles et moins coûteuses. Le Code de procédure civile (articles 131-1 à 131-15) permet aux parties d’opter pour la médiation, qui est une solution alternative au règlement des différends, souvent plus souple et rapide.
En cas d’échec, une action judiciaire peut être engagée. Les tribunaux compétents dépendent du type de litige :
- En cas de litige commercial, le tribunal de commerce sera compétent, conformément à l’article L.721-3 du Code de commerce.
- Pour un litige relatif à l’atteinte à l’image ou aux droits de propriété intellectuelle, c’est le tribunal judiciaire qui interviendra, selon l’article L.111-1 du Code de la propriété intellectuelle.
- Pour des litiges relatifs à l’exploitation de contenu, l’article 16 du Code de procédure civile précise que les tribunaux compétents sont ceux dans le ressort desquels se situe le domicile de la partie défenderesse.
En urgence, une procédure en référé peut être demandée pour obtenir une décision rapide, telle que le retrait de contenu ou le paiement d’une somme due, conformément à l’article 808 du Code de procédure civile.
C. Conséquences juridiques et réputationnelles des conflits
Les conflits entre un influenceur et une marque vont souvent au-delà des conséquences juridiques. Une mauvaise gestion d’un différend peut nuire gravement à la réputation des deux parties. L’article 1240 du Code civil établit que toute personne qui cause un dommage à autrui, par exemple en portant atteinte à sa réputation, est tenue de réparer ce préjudice.
Un conflit médiatisé peut entraîner la perte de crédibilité pour l’influenceur, en violation de ses obligations contractuelles d’honorabilité, comme spécifié dans l’article 1104 du Code civil (les conventions doivent être exécutées de bonne foi). Les conséquences économiques pour la marque peuvent être graves, telles que la perte de contrats, un boycott et une dégradation de l’image, en application des articles L.121-1 et L.121-2 du Code de la consommation, qui régissent la responsabilité de la marque envers ses consommateurs et son image.
VI. Les enjeux futurs : évolution du cadre juridique du marketing d’influence
A. Les réformes à venir dans la régulation du marketing d’influence
En 2023, une loi (n° 2023-451) a été adoptée pour mieux encadrer les collaborations commerciales sur les réseaux sociaux, avec des mesures de transparence et d’interdiction de certaines promotions trompeuses, notamment dans des secteurs sensibles comme la santé et la finance. Un encadrement des agences d’influenceurs a été mis en place pour garantir des contrats respectueux des droits des créateurs de contenu.
L’article L.121-1 du Code de la consommation interdit la publicité déguisée et impose une transparence totale dans les relations commerciales. Cette loi s’inscrit dans le cadre de la réglementation française visant à protéger les consommateurs et à éviter les pratiques trompeuses. L’article L.121-2 du Code de la consommation peut également être cité pour les interdictions de publicité trompeuse, notamment pour les produits dits sensibles.
Le marketing d’influence étant un phénomène mondial, l’Union européenne a adopté la Directive (UE) 2019/790 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique, et la Directive sur les services numériques (DSA) en 2022. La DSA, notamment les articles 5(1) et 6, impose aux plateformes numériques de veiller à la transparence des contenus sponsorisés, en obligeant les influenceurs à signaler explicitement toute relation commerciale. Elle vise à lutter contre la désinformation et à offrir plus de protections aux utilisateurs en ligne. Le règlement (UE) 2019/1150, sur la promotion des services numériques, s’applique aussi aux plateformes pour garantir la transparence dans la publicité et protéger les utilisateurs.
B. L’adaptation des pratiques des marques et influenceurs aux évolutions légales
Le marketing d’influence, autrefois peu encadré, est désormais soumis à une régulation croissante. Cela oblige les influenceurs, les marques et les agences à se professionnaliser pour éviter les sanctions et préserver leur image. Les acteurs du secteur doivent adapter leurs pratiques en amont, mettre à jour leurs contrats et comprendre les nouvelles exigences légales. La contractualisation rigoureuse devient essentielle pour sécuriser les collaborations et éviter les mauvaises surprises.
L’article 1103 du Code civil rappelle que « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ». De plus, l’article 1104 du Code civil impose que les contrats soient négociés, formés et exécutés de bonne foi. Ces principes soulignent l’importance d’une contractualisation rigoureuse entre les parties.
Dans le cadre du marketing d’influence, il est essentiel de prévenir les clauses abusives qui pourraient désavantager l’une des parties, notamment celles liées à des objectifs de performance inaccessibles ou non réalistes. En ce sens, les articles L.132-1 et suivants du Code de la consommation permettent de contester et de faire annuler des clauses créant un déséquilibre significatif dans un contrat.
Les marques doivent également renforcer la sélection des influenceurs, intégrer des clauses spécifiques dans leurs contrats et veiller à ce que les contenus sponsorisés respectent la réglementation en vigueur. L’article L.121-2 du Code de la consommation impose aux marques d’adopter des pratiques transparentes dans leurs communications et promotions commerciales. Il leur incombe de s’assurer que les influenceurs respectent ces obligations, sous peine de sanctions.
Les agences d’influence jouent un rôle clé dans l’audit des contrats et la sécurisation juridique des collaborations. L’article L.122-1 du Code de la consommation interdit la publicité mensongère et impose des obligations de transparence. Les agences peuvent donc être tenues responsables si elles ne vérifient pas que les contenus produits par les influenceurs respectent ces exigences légales.
Conclusion
Le marketing d’influence est aujourd’hui un secteur structuré, soumis à des lois et des exigences de transparence. L’adoption de nouvelles législations et la croissance des contrôles permettront de professionnaliser le secteur. L’influence digitale est devenue un levier économique puissant, mais elle doit se faire dans un cadre éthique, respectueux des droits des consommateurs et des créateurs de contenu. Les influenceurs doivent traiter leur activité comme une entreprise, maîtrisant les règles de publicité, de rémunération, et de gestion des droits. Les marques, quant à elles, doivent veiller à s’associer avec des créateurs crédibles et garantir que leurs campagnes respectent les réglementations en vigueur.