Marketing d’influence : contrats, obligations et litiges sous tension (partie I)

Avant de parler litiges et collabs, fais le quiz pour savoir qui tu es face à un contrat !

Le marketing d’influence s’est imposé comme un levier stratégique pour les marques. Sur YouTube, Instagram ou TikTok, les influenceurs ne se contentent plus de créer du contenu : ils façonnent les tendances et orientent les décisions d’achat. Face à cet impact grandissant, les entreprises multiplient les collaborations sponsorisées et les partenariats commerciaux.

Mais si ces relations se développent, leur cadre juridique reste souvent imprécis. Certains influenceurs bénéficient de contrats détaillés, tandis que d’autres se contentent d’échanges informels par message privé ou e-mail. Conséquence : des attentes mal définies, des obligations floues et des litiges qui auraient pu être évités.

La nature même de ces collaborations soulève des questions juridiques essentielles. À partir de quel moment un influenceur est-il considéré comme un prestataire indépendant ou, au contraire, comme un salarié déguisé ? Quels sont les risques liés à l’absence de contrat écrit ? Par ailleurs, certaines clauses imposées par les marques peuvent limiter la liberté des créateurs : exclusivité trop large, confidentialité excessive, rémunération en nature non encadrée…

I. L’insuffisance de la formalisation contractuelle : un terreau propice aux litiges

A. L’absence de contrat écrit et la prééminence des accords tacites

1. Des pratiques courantes à haut risque : échanges sur réseaux sociaux, contrats oraux

De nombreux influenceurs, surtout en début de carrière, acceptent des collaborations sur la base d’accords informels : message Instagram, e-mail rapide, voire simple conversation téléphonique. Or, sans document écrit détaillant les obligations de chacun, les risques sont nombreux.

La marque peut exiger plus que prévu, en interprétant librement l’accord initial, ce qui peut aboutir à des demandes supplémentaires imprévues. L’influenceur, quant à lui, peut livrer un contenu jugé non conforme aux attentes de la marque, faute d’instructions claires. Cette situation favorise également l’émergence de conflits liés à la rémunération, notamment en cas d’absence de précisions écrites sur le montant, le mode de paiement ou les délais.

Enfin, en cas de litige, faire valoir ses droits sans preuve tangible devient particulièrement difficile. En droit, les contrats sont en principe consensuels (article 1103 du Code civil), ce qui signifie qu’ils peuvent être valablement formés par un simple échange de volontés, même verbalement. Toutefois, la preuve de leur existence et de leur contenu peut poser problème. L’article 1359 du Code civil impose d’ailleurs qu’un acte juridique portant sur une somme ou une valeur supérieure à 1 500 euros soit prouvé par écrit, sauf exceptions. Ainsi, un influenceur ne pourra pas toujours prouver ses droits sans document écrit détaillant les termes de l’accord.

2. La reconnaissance des échanges numériques par la jurisprudence

Le droit français admet que certains supports numériques peuvent servir de commencement de preuve par écrit. L’article 1361 du Code civil précise en effet qu’« un acte juridique peut être prouvé par un commencement de preuve par écrit lorsqu’il rend vraisemblable l’allégation de celui qui s’en prévaut ».

Ainsi, des échanges de messages privés, des e-mails ou des SMS peuvent constituer une preuve partielle d’un contrat, mais ils doivent être suffisamment explicites pour être recevables en justice. La Cour de cassation a notamment admis qu’un accord conclu par e-mail dans une prestation de services pouvait valoir preuve contractuelle (Cass. com., 25 juin 2013, n° 12-22131).

Toutefois, pour qu’un tel commencement de preuve soit complété par d’autres éléments probants, il faut que les messages échangés mentionnent les prestations convenues, les engagements précis et les modalités financières. En l’absence de ces précisions, un simple échange sur Instagram ou WhatsApp pourrait ne pas suffire à prouver un accord contraignant devant un tribunal.

3. Le risque de malentendus et de divergences d’interprétation

Les collaborations informelles reposent sur la bonne foi des parties, mais cela laisse place à des malentendus et divergences d’interprétation.

  • Une marque peut considérer qu’un simple post sponsorisé implique une exclusivité, alors que l’influenceur continue de promouvoir des produits concurrents.
  • Un influenceur peut s’attendre à une rémunération financière, alors que la marque considère que l’envoi d’un produit constitue une compensation suffisante.
  • Un retard de publication peut être perçu par la marque comme une rupture contractuelle et entraîner une annulation de la collaboration sans que cela ait été prévu à l’avance.

Ces situations illustrent l’importance d’un cadre juridique clair. Un contrat écrit, même sous une forme simplifiée, reste le meilleur moyen d’éviter ces conflits. Il permet de fixer précisément les prestations attendues, les délais, la rémunération et les conditions de résiliation, garantissant ainsi une meilleure protection pour l’influenceur comme pour la marque.

B. La qualification juridique du contrat entre influenceur et marque

1. Contrat de prestation de services, contrat de travail ou partenariat commercial ?

La relation entre une marque et un influenceur est généralement formalisée par un contrat de prestation de services, l’influenceur agissant en tant qu’indépendant (auto-entrepreneur ou société). Ce contrat précise notamment :​

  • La nature du contenu à produire (photos, vidéos, publications sponsorisées).​
  • Les délais et modalités de publication.​
  • La rémunération et les conditions de paiement.​
  • Les clauses d’exclusivité ou de confidentialité.​

Cependant, certaines collaborations peuvent être requalifiées en contrat de travail si un lien de subordination est établi. La Cour de cassation, dans son arrêt du 13 novembre 1996, a défini le lien de subordination comme « l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur ayant le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné » .​

D’autres types de contrats peuvent également encadrer la relation :

  • Contrat de sponsoring : pour des collaborations de longue durée.​
  • Contrat d’affiliation : où l’influenceur est rémunéré à la commission sur les ventes générées.​
2. Influenceur : indépendant ou salarié déguisé ?

Le critère déterminant pour distinguer un prestataire indépendant d’un salarié est le lien de subordination. Si la marque impose des directives strictes, contrôle l’exécution du travail et peut sanctionner l’influenceur, un lien de subordination peut être caractérisé, ouvrant la voie à une requalification en contrat de travail. Par exemple, la Cour de cassation, dans un arrêt du 4 mars 2020, a requalifié la relation entre un chauffeur et la plateforme Uber en contrat de travail, en raison de l’absence d’autonomie et de l’existence d’un pouvoir de sanction de la plateforme 

3. Définir clairement la relation pour éviter une requalification

Pour éviter une requalification en contrat de travail, il est essentiel que le contrat entre la marque et l’influenceur garantisse une réelle autonomie dans la création de contenu et n’impose pas de directives trop contraignantes. La jurisprudence récente sur les plateformes numériques, comme l’arrêt précité concernant Uber, souligne l’importance de l’autonomie du prestataire pour préserver le statut d’indépendant.

II. Les clauses contractuelles problématiques et leur impact juridique

A. L’abus des clauses déséquilibrées

1. L’exclusivité : un frein aux collaborations

Certaines marques imposent aux influenceurs des clauses d’exclusivité, interdisant toute collaboration avec des entreprises concurrentes, y compris après la fin du partenariat.

Pourquoi ces clauses existent-elles ?
  • Maintenir la cohérence du message publicitaire.
  • Protéger l’image de marque et éviter l’association avec des produits concurrents.

En quoi est-elle problématique ?

  • Une exclusivité trop large ou trop longue limite fortement les opportunités professionnelles de l’influenceur.
  • Si elle n’est pas justifiée par un intérêt légitime, elle peut être jugée abusive au sens de l’article 1171 du Code civil, qui interdit les clauses créant un déséquilibre significatif entre les parties.
  • La jurisprudence a reconnu que certaines clauses d’exclusivité excessives dans des relations commerciales pouvaient être annulées si elles restreignent abusivement la liberté contractuelle (Cass. com., 3 mars 2021, n° 19-21.060).

Comment l’encadrer ?
✔ Limiter l’exclusivité à une durée raisonnable.
✔ Restreindre l’interdiction aux marques réellement concurrentes.
✔ Prévoir une compensation financière en contrepartie de l’exclusivité imposée.

2. La confidentialité excessive : un frein à la transparence

Les contrats d’influence incluent souvent des clauses de confidentialité obligeant les créateurs à ne pas divulguer les conditions de leur collaboration (montant de la rémunération, stratégie marketing, produits testés, etc.).

Pourquoi cette clause est-elle imposée ?

  • Protéger les stratégies commerciales et l’image de la marque.
  • Éviter que d’autres influenceurs réclament une rémunération plus élevée en comparant les contrats.

Quels sont les risques ?

  • Une interdiction totale de mentionner la collaboration, y compris après la fin du contrat.
  • L’impossibilité de dénoncer d’éventuelles pratiques abusives (ex. : retards de paiement, conditions désavantageuses).
  • Une confidentialité illimitée peut être contestée juridiquement si elle crée un déséquilibre significatif dans la relation contractuelle (article L.442-1 du Code de commerce). La Cour de cassation, dans un arrêt du 20 septembre 2017 (n° 16-11.117), a rappelé qu’une clause de confidentialité trop vaste et disproportionnée peut être déclarée nulle.

Comment l’encadrer ?
✔ Limiter la durée de la confidentialité (ex. : jusqu’à 6 mois après la fin du contrat).
✔ Préciser clairement quelles informations doivent rester confidentielles (et lesquelles peuvent être divulguées).
✔ Exclure toute interdiction de parler publiquement d’un partenariat passé.

3. La résiliation unilatérale : une précarité contractuelle

Certaines marques se réservent le droit de mettre fin au contrat à tout moment, sans justification ni compensation.

Pourquoi cette clause existe-t-elle ?

  • Permettre à la marque de protéger son image en cas de controverse autour de l’influenceur.
  • Garder un pouvoir de contrôle sur la relation commerciale.

Quels sont les risques ?

  • L’influenceur peut voir son contrat annulé brutalement, après avoir investi du temps et des ressources dans la collaboration.
  • Une résiliation unilatérale sans préavis peut créer un déséquilibre juridique, notamment si la marque conserve l’exploitation du contenu déjà produit.
  • Une rupture brutale et injustifiée peut être considérée comme abusive au sens de l’article L.442-1 du Code de commerce, qui interdit les ruptures brutales de relations commerciales. La Cour de cassation, dans un arrêt du 26 avril 2017 (n° 15-22.803), a confirmé que la résiliation sans préavis d’un contrat pouvait être sanctionnée.

Comment la rendre équitable ?
✔ Intégrer un préavis de 15 à 30 jours en cas de résiliation anticipée.
✔ Encadrer la rupture avec des motifs légitimes (non-respect des engagements, atteinte à l’image de la marque, etc.).
✔ Prévoir une compensation financière si l’influenceur a déjà fourni du travail (ex. : contenu prêt à être publié).

B. Les obligations de l’influenceur et leur encadrement

1. Objectifs de visibilité : clauses de performance et KPI imposés
Pourquoi ces clauses existent-elles ?

Les marques investissent dans le marketing d’influence avec des attentes précises en termes de retour sur investissement (ROI). Elles imposent parfois des objectifs chiffrés tels que :

  • Un nombre minimal de vues, likes ou partages.
  • Un taux de conversion spécifique basé sur des liens affiliés.
  • Une fréquence de publication et des mentions obligatoires.
Quels sont les risques ?
  • Manque de contrôle de l’influenceur : Les algorithmes des plateformes évoluent de manière imprévisible, ce qui rend difficile l’atteinte d’objectifs prédéfinis.
  • Clause abusive : Si la rémunération est entièrement conditionnée à des performances chiffrées, elle peut être contestée en raison de son déséquilibre significatif entre les parties (article 1171 du Code civil).
  • Incitation à la fraude : Certaines marques exercent une pression qui pousse les influenceurs à acheter de faux engagements (likes, commentaires, vues) pour atteindre les KPI fixés, une pratique contraire aux recommandations de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP).
Encadrement juridique
  • L’article 1171 du Code civil stipule que toute clause créant un déséquilibre significatif au détriment de l’une des parties est réputée non écrite. Une clause imposant des objectifs chiffrés sans prise en compte des réalités algorithmiques peut donc être annulée.
  • Jurisprudence pertinente : La Cour de cassation, chambre commerciale, 24 octobre 2018 (n° 17-14.608) a considéré qu’une clause imposant des performances inatteignables pouvait être contestée si elle n’était pas assortie de critères objectifs et réalisables.
Bonnes pratiques à adopter

Éviter des objectifs irréalistes dépendant uniquement des algorithmes.
Garantir une rémunération minimale, indépendamment des résultats obtenus.
Définir clairement les responsabilités de chaque partie dans l’atteinte des objectifs.

2. Obligation de livrer un contenu conforme aux attentes de la marque
Pourquoi cette obligation existe-t-elle ?

Les marques souhaitent s’assurer que l’image et le message véhiculés correspondent à leur stratégie marketing. Elles imposent parfois des directives strictes :

  • Respect d’un ton et d’un style spécifiques.
  • Validation du contenu avant sa diffusion.
  • Interdiction d’exprimer un avis négatif sur le produit ou le service.
Quels sont les risques ?
  • Restriction excessive de la liberté créative de l’influenceur.
  • Validations longues qui nuisent à l’engagement du public et retardent la publication.
  • Atteinte au droit moral de l’influenceur : Si la marque modifie un contenu sans accord, elle peut violer l’article L.121-1 du Code de la propriété intellectuelle, qui protège le droit à la paternité et à l’intégrité des œuvres.
Encadrement juridique
  • L’article L.121-1 du Code de la propriété intellectuelle confère aux auteurs un droit moral inaliénable sur leurs créations, y compris les contenus numériques produits dans le cadre d’un contrat d’influence.
  • Jurisprudence pertinente : La Cour de cassation, 1ère chambre civile, 22 février 2000 (n° 98-11.380) a reconnu qu’un créateur de contenu peut refuser des modifications excessives altérant le message initial.
Bonnes pratiques à adopter

✔ Privilégier des directives générales plutôt qu’une validation systématique.
✔ Permettre une liberté créative dans les limites de l’image de la marque.
Encadrer le droit de modification de la marque pour éviter toute altération excessive du contenu.

3. Obligations de conformité avec la réglementation publicitaire
Pourquoi cette obligation est-elle essentielle ?

Les influenceurs sont soumis à des règles strictes encadrant la publicité et la transparence des partenariats :

  • Mention obligatoire des collaborations rémunérées.
  • Interdiction des pratiques commerciales trompeuses.
  • Respect des réglementations spécifiques (alcool, jeux d’argent, produits de santé…).
Quels sont les risques en cas de non-respect ?
  • La DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) peut sanctionner un influenceur qui omet de mentionner un partenariat.
  • L’article L.121-1 du Code de la consommation interdit les pratiques trompeuses, y compris la dissimulation de sponsoring.
  • Sanctions possibles : Amendes pouvant aller jusqu’à 300 000 € et deux ans d’emprisonnement.

  • En 2023, plusieurs influenceurs ont été condamnés pour absence de mention des partenariats sponsorisés dans leurs publications, conduisant à des sanctions financières et à l’annulation de certains contrats.
  • Jurisprudence pertinente : La Cour d’appel de Paris, 8 février 2022 (n° 21/09845) a confirmé qu’un influenceur ayant omis de préciser qu’un post était sponsorisé pouvait être sanctionné pour publicité trompeuse, en application de l’article L.132-1 du Code de la consommation.
Bonnes pratiques à adopter

Insérer systématiquement des mentions claires dans les publications sponsorisées (#ad, #sponsorisé, mention explicite en début de vidéo, etc.).
Vérifier la conformité des promotions aux réglementations en vigueur.
Éviter toute exagération ou omission volontaire sur les effets d’un produit.

C. Les risques liés à la rémunération en nature

1. Une compensation discutable en l’absence d’accord clair

En principe, toute prestation de service doit donner lieu à une rémunération, sauf accord contraire entre les parties. L’article 1108 du Code civil exige qu’un contrat repose sur un objet certain et une cause licite. Autrement dit, si l’influenceur travaille pour une marque, il doit obtenir une compensation clairement définie.
Sans précision écrite, une marque peut envoyer un produit en guise de « paiement » et considérer que l’influenceur a rempli son engagement en échange, alors que ce dernier pouvait s’attendre à une rémunération financière. Un flou qui ouvre la porte aux abus.

2. Rémunération en nature : un revenu imposable à ne pas négliger

Même sans versement d’argent, une rémunération en nature reste un revenu, et donc imposable. Selon l’article 12 du Code général des impôts, « l’impôt est dû chaque année à raison des revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ».
Autrement dit, si une marque offre un voyage ou un produit d’une valeur significative, l’influenceur doit normalement le déclarer aux impôts. Le non-respect de cette obligation peut entraîner un redressement fiscal, voire des pénalités. Or, beaucoup d’influenceurs méconnaissent cette règle, ce qui peut leur causer des problèmes avec l’administration fiscale.

3. Un impact sur les droits sociaux

Autre point problématique : la rémunération en nature n’ouvre pas de droits sociaux. Selon l’article L.242-1 du Code de la sécurité sociale, les cotisations sont calculées sur la base des rémunérations versées en contrepartie d’un travail.
Or, si l’influenceur est uniquement « payé » en cadeaux, il ne cotise ni pour sa retraite, ni pour sa protection sociale. En cas de problème de santé ou d’arrêt d’activité, il ne bénéficie d’aucune couverture, contrairement à un travailleur rémunéré en numéraire.

Pour éviter les mauvaises surprises, une contractualisation stricte est essentielle. Les influenceurs doivent exiger un contrat mentionnant explicitement :

  • La nature de la rémunération (financière, en nature, ou mixte).
  • La valeur estimée des avantages en nature, pour garantir une équivalence avec le travail fourni.
  • Les implications fiscales et sociales, pour éviter tout risque de redressement.

Sans ces précisions, l’influenceur peut se retrouver piégé dans une relation déséquilibrée, sans recours réel en cas de litige. Un encadrement clair protège non seulement l’influenceur, mais aussi la marque, en évitant des discussions sans fin sur la valeur réelle de la collaboration.

III. La gestion des droits sur les contenus et l’image de l’influenceur

A. Le droit d’auteur de l’influenceur sur ses publications

En France, la protection d’une œuvre est automatique dès sa création, sans qu’aucune formalité d’enregistrement ne soit nécessaire. L’article L.111-1 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) confère ainsi à l’auteur un droit exclusif sur son œuvre.

L’influenceur bénéficie donc, par principe :

  • D’un droit moral (inaliénable et perpétuel) qui lui permet de revendiquer la paternité de son contenu et de s’opposer à toute modification qui le dénaturerait (article L.121-1 CPI).
  • D’un droit patrimonial, qui lui permet d’exploiter financièrement son œuvre et d’en céder l’usage sous certaines conditions (articles L.122-1 et suivants CPI).

Ce que cela signifie en pratique : Une marque qui rémunère un influenceur pour un post n’acquiert pas automatiquement les droits d’exploitation du contenu. Sans accord formel précisant les conditions d’utilisation, la marque ne peut pas :

  • Réutiliser la publication sur ses supports publicitaires (site web, affiches, TV…).
  • Modifier ou adapter le contenu.
  • Revendiquer la paternité de la création.

La jurisprudence a régulièrement rappelé que la protection du droit d’auteur s’applique aux créations diffusées en ligne, à condition qu’elles portent l’empreinte de la personnalité de leur auteur (Cass. 1re civ., 12 mai 2011, n° 10-13.997). Cela inclut les visuels, vidéos, textes et montages réalisés par un influenceur.

B. La cession des droits d’exploitation : limites et précautions à prendre

Lorsqu’une marque souhaite réutiliser le contenu d’un influenceur, il est impératif que la cession des droits soit formalisée par écrit. L’article L.131-3 CPI impose en effet que toute cession :

  • Soit constatée par écrit, une cession verbale ou tacite étant sans valeur juridique.
  • Précise distinctement les droits cédés (reproduction, représentation, adaptation…).
  • Délimite clairement la durée, le territoire et les supports d’exploitation.

Ce que cela signifie en pratique :

  • Une clause de cession vague du type « L’influenceur cède tous ses droits à la marque » est nulle juridiquement.
  • Un influenceur peut réclamer une compensation supplémentaire si la marque utilise son contenu en dehors du cadre prévu initialement (Cass. 1re civ., 15 mars 2005, n° 03-12.165).
  • La jurisprudence rappelle également que les clauses générales de cession, sans durée ou sans limitation territoriale claire, sont abusives et peuvent être annulées.

L’influenceur doit toujours négocier une rémunération distincte pour la cession de ses droits et s’assurer que le contrat fixe une durée limitée et des supports bien définis.

C. La gestion des droits dérivés : exploitation secondaire des contenus

Un piège classique pour les influenceurs est l’exploitation secondaire de leurs contenus, c’est-à-dire leur réutilisation dans un cadre qui n’était pas prévu initialement. Cela peut prendre plusieurs formes :

  • Une marque qui utilise une vidéo Instagram pour une publicité télévisée.
  • Un visuel repris sur des panneaux publicitaires.
  • Une story sponsorisée intégrée dans une brochure imprimée.

L’absence de clause spécifique dans le contrat ne signifie pas que la marque est libre de tout faire. Sans autorisation expresse de l’influenceur, une telle utilisation peut être considérée comme une contrefaçon au sens de l’article L.335-3 CPI, ouvrant droit à des dommages et intérêts pour l’influenceur lésé.

 Comment éviter les abus ?

  • Vérifier que le contrat liste précisément les supports autorisés.
  • Inclure une clause de validation préalable : avant toute réutilisation du contenu, la marque doit obtenir l’accord écrit de l’influenceur.
  • Préciser que toute exploitation non prévue donnera lieu à une rémunération complémentaire.

La jurisprudence a déjà condamné des sociétés ayant exploité des images sans autorisation de leur créateur. Un cas marquant est l’arrêt Cass. 1re civ., 12 juill. 2012, n° 11-19.349, où la Cour de cassation a confirmé qu’un auteur peut exiger une indemnisation lorsqu’une œuvre est utilisée en dehors du cadre convenu.

Conclusion

Un contrat bien construit est une protection essentielle pour structurer une collaboration entre une marque et un influenceur. Il définit les engagements de chacun, encadre la rémunération et permet d’anticiper d’éventuels désaccords. Mais un contrat, aussi précis soit-il, ne règle pas tout.

Les problèmes ne viennent pas seulement des clauses elles-mêmes, mais aussi de leur application. Une marque peut-elle modifier unilatéralement un accord ? Un influenceur a-t-il toujours la liberté d’accepter ou de refuser certaines obligations ? Lorsque les attentes divergent ou qu’un engagement n’est pas respecté, les conséquences peuvent être lourdes.

Si poser des bases contractuelles solides est indispensable, cela ne suffit pas toujours à éviter les litiges. Que faire lorsqu’un accord est mal respecté ou qu’un différend éclate ? Les contrats ne sont qu’un élément du cadre juridique plus large qui encadre le marketing d’influence.

Dans la suite, nous verrons comment ces collaborations s’intègrent dans un cadre légal plus structuré et quelles peuvent être les conséquences en cas de manquement.

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