Chaque jour, des millions d’internautes sont exposés à des informations volontairement biaisées ou carrément fausses. Mais certaines ne sont pas diffusées par hasard : elles sont financées, sponsorisées et amplifiées par les algorithmes publicitaires des plateformes. C’est le phénomène des fake news sponsorisées.
Désinformation électorale, campagnes anti vaccins, deepfakes politiques… Grâce aux outils du marketing numérique, ces contenus bénéficient d’un ciblage algorithmique ultra-précis, atteignant les publics les plus réceptifs. Résultat ? Les plateformes deviennent des relais puissants de manipulation de l’opinion publique.
Selon une étude du MIT, une fausse information se propage six fois plus vite qu’une information vérifiée sur Twitter. Les algorithmes privilégient ces contenus car ils génèrent plus d’engagement, et donc plus de revenus publicitaires. Certaines marques, sans le savoir, financent indirectement cette désinformation en voyant leurs annonces diffusées sur des sites de fake news.
Face à cette menace, plusieurs questions clés émergent : Le cadre juridique actuel est-il adapté pour limiter l’impact des fake news sponsorisées ? Les plateformes doivent-elles être tenues responsables des contenus qu’elles amplifient ? Comment réguler sans entraver la liberté d’expression ?
I. La publicité comme levier de désinformation : un phénomène amplifié par le numérique
Les fake news ne sont pas une nouveauté, mais le numérique et les plateformes publicitaires leur ont donné une portée inédite. Autrefois cantonnées aux rumeurs locales et aux journaux à sensation, elles circulent désormais à une vitesse fulgurante, atteignant des millions de personnes en quelques heures.
Plus préoccupant encore, certaines de ces fausses informations ne se répandent pas naturellement, mais sont activement promues via des campagnes publicitaires. En d’autres termes, elles deviennent des fake news sponsorisées, bénéficiant des mêmes outils de diffusion que des campagnes commerciales classiques.
A. Fake news et publicité : un instrument d’influence massive
La publicité ne se limite plus à un usage commercial : elle est devenue un puissant levier d’influence, parfois au détriment de la vérité. Plusieurs exemples récents illustrent cette dérive :
➡ Désinformation électorale
Lors des élections américaines de 2016 et 2020, des milliers de publicités trompeuses ont circulé sur Facebook et Google, souvent financées par des entités étrangères. Certaines suggéraient qu’un candidat était malade ou impliqué dans des scandales fictifs, avec un ciblage précis pour influencer des électeurs spécifiques.
➡ Mouvement anti-vaccination
Pendant la pandémie de COVID-19, des campagnes sponsorisées ont relayé de fausses informations sur les vaccins, les associant à des risques inexistants. Certaines prétendaient qu’ils provoquaient des maladies ou servaient d’outil de contrôle gouvernemental. Ces publicités ont touché des millions de personnes avant d’être modérées.
➡ Deepfakes politiques
L’intelligence artificielle a permis la création de vidéos truquées ultra-réalistes, mettant en scène des personnalités politiques dans des situations fictives. Ces deepfakes, financés via la publicité, servent à influencer les électeurs ou propager des rumeurs.
Les plateformes comme Facebook Ads et Google Ads reposent sur des algorithmes avancés optimisant la diffusion des annonces selon les intérêts des utilisateurs. Mais ces systèmes ne vérifient pas la véracité des contenus : ils favorisent ce qui génère le plus d’engagement.
👉 Les publicités sponsorisées passent par des systèmes automatisés sans contrôle humain, laissant des annonceurs malveillants contourner les règles et diffuser des messages trompeurs sous couvert d’opinions sponsorisées.
Les fake news sponsorisées s’appuient sur des stratégies avancées pour maximiser leur impact.
1️⃣ Le rôle du machine learning dans la diffusion des fake news
Comment Facebook et Google détectent-ils les utilisateurs réceptifs à ces contenus ?
Leurs algorithmes analysent le comportement des internautes pour affiner le ciblage.
- Un utilisateur visionnant des vidéos complotistes sur YouTube verra automatiquement plus de contenus similaires et des annonces sponsorisées relayant de la désinformation.
- Quelqu’un lisant des articles négatifs sur un candidat politique recevra des publicités renforçant ces opinions, même si elles sont fausses.
👉 Ces algorithmes ne font pas la distinction entre une information vraie ou fausse. Leur but est uniquement d’optimiser l’engagement. Les internautes sont enfermés dans une bulle informationnelle, renforçant les clivages politiques et sociaux.
2️⃣ Dark patterns (= manipulation invisible) et micro-ciblage : des stratégies trompeuses
Ces techniques influencent les utilisateurs à leur insu :
- Une publicité avec un compte à rebours (« Offre limitée ! ») incitant à une réaction immédiate.
- Un titre alarmiste (« Ce qu’on vous cache sur X ! ») jouant sur la peur pour maximiser les clics.
- Un article sponsorisé imitant un contenu journalistique, alors qu’il s’agit d’une publicité mensongère.
Ces techniques maximisent l’engagement et facilitent la diffusion du message. Le micro-ciblage permet d’adapter un message à des audiences très précises, ce qui complique sa régulation.
Exemple : Lors de la présidentielle américaine, des messages différents ont été diffusés selon le profil des électeurs :
➡ Aux jeunes progressistes : « Ne perdez pas votre temps à voter, les élections sont truquées. »
➡ Aux conservateurs : « Votre candidat est victime d’un complot médiatique. »
👉 Ces électeurs ne sont exposés qu’à une seule version des faits, ce qui polarise encore plus le débat public et limite un échange démocratique équilibré.
Jusqu’où doit aller la régulation ?
Aujourd’hui, les algorithmes publicitaires ont un pouvoir immense sur l’information que nous consommons. Mais où tracer la ligne entre stratégie marketing légitime et manipulation nuisible à la démocratie ?
B. Une frontière trouble entre publicité, propagande et liberté d’expression
Dans notre société hyperconnectée, la publicité ne se limite plus à la promotion de produits et services : elle façonne les opinions politiques et sociales. À l’ère du numérique, la distinction entre publicité, information et propagande devient de plus en plus floue, soulevant des enjeux majeurs pour la démocratie et la liberté d’expression.
Une publicité politique est-elle une simple prise de position ou un outil de manipulation ? Jusqu’où les annonceurs peuvent-ils aller pour influencer l’opinion sans sombrer dans la désinformation ? Ces questions sont au cœur d’un débat complexe opposant liberté d’expression et lutte contre la manipulation de l’information.
Les frontières entre publicité, information et propagande deviennent de plus en plus floues. Pourtant ce sont trois notions distinctes :
L’information repose sur des faits vérifiables, avec une exigence d’objectivité et de neutralité (du moins en principe).
La publicité vise à promouvoir une idée, un produit ou un candidat politique, en mettant en avant certains éléments, quitte à les exagérer ou les simplifier.
La propagande cherche à influencer l’opinion publique de manière systématique, en jouant sur les biais cognitifs et les mécanismes de persuasion.
Pourquoi ces distinctions s’effacent-elles aujourd’hui ?
Avec les publicités sponsorisées, il devient difficile de différencier une information journalistique d’une publicité politique, ou encore une analyse objective d’une campagne de manipulation déguisée.
L’un des problèmes majeurs réside dans le financement publicitaire des fake news. Lors des élections américaines de 2016, des entités étrangères ont financé des campagnes de désinformation sur Facebook et Google, atteignant des millions d’électeurs avec des contenus trompeurs. Face à ces dérives, une question clé se pose : faut-il interdire la publicité politique en ligne pour préserver l’intégrité du débat démocratique ?
Les régulations en matière de publicité politique varient selon les contextes nationaux. Trois grandes approches émergent :
1️⃣ États-Unis 🇺🇸 : Une liberté d’expression absolue, au prix de la désinformation
Aux États-Unis, le Premier Amendement protège presque sans limite la liberté d’expression, y compris pour les publicités politiques mensongères. Un candidat ou un parti peut donc financer une annonce trompeuse sans être inquiété par la loi, et les plateformes ne sont pas tenues de la censurer.
Cette approche a favorisé l’émergence de campagnes de désinformation massives, notamment avec l’ingérence russe en 2016. Des acteurs étrangers ont diffusé des fake news sponsorisées pour influencer l’opinion publique.
- Twitter a interdit les publicités politiques en 2019, invoquant un risque pour la démocratie.
- Meta (Facebook) et Google ont restreint le micro-ciblage des annonces politiques, mais sans les interdire totalement.
- Elon Musk a réintroduit les publicités politiques sur X en 2023, défendant une vision ultra-libérale de la liberté d’expression.
2️⃣ Union Européenne 🇪🇺 : Une approche régulée, mais inégale selon les pays
Contrairement aux États-Unis, l’UE a adopté une ligne plus stricte, axée sur la transparence et la responsabilité des plateformes.
Le Digital Services Act (DSA) impose aux géants du numérique de :
- Identifier clairement les commanditaires des publicités politiques.
- Empêcher la diffusion de fausses informations sponsorisées.
- Donner aux utilisateurs plus de contrôle sur les annonces qu’ils voient.
L’Allemagne va plus loin avec la loi NetzDG, qui oblige les plateformes à supprimer sous 24 heures les contenus trompeurs. Ce modèle, bien que controversé pour son potentiel effet de censure, sert d’exemple pour une régulation renforcée au sein de l’UE.
Google a annoncé qu’il cesserait la diffusion des publicités politiques en Europe en 2025, invoquant les nouvelles régulations et les risques légaux.
3️⃣ Asie 🇨🇳 : Un contrôle total de la publicité politique
En Chine, la publicité politique ne fait pas débat : l’État contrôle l’ensemble de l’écosystème numérique, et toute annonce est soit censurée, soit diffusée sous contrôle gouvernemental.
Cas de la Corée du Sud : une régulation plus nuancée
Le gouvernement envisage une loi visant à filtrer les annonces politiques suspectes, avec une commission officielle chargée de vérifier leur véracité avant diffusion.
Où tracer la ligne entre régulation et liberté d’expression ?
Deux visions s’opposent :
- Une approche libérale (comme aux États-Unis) : la liberté d’expression prime, même pour les fake news sponsorisées.
- Une approche régulée (comme en Europe et en Asie) : les États encadrent la publicité politique pour préserver l’intégrité démocratique.
Mais où s’arrête la régulation, et où commence la censure ?
- Si l’on interdit la publicité politique en ligne, cela garantit-il un débat plus sain ou pénalise-t-il certains candidats sans accès aux grands médias ?
- Si tout est autorisé, ne risque-t-on pas de voir la publicité devenir une arme massive de désinformation ?
II. Un encadrement juridique en mutation : des règles encore trop faibles ?
Face à la prolifération des fake news sponsorisées, la régulation juridique tente de suivre le rythme, mais les règles actuelles restent souvent trop limitées ou inadaptées. Le droit français et européen ont mis en place plusieurs dispositifs pour lutter contre la publicité trompeuse et la manipulation de l’information, mais ces outils suffisent-ils vraiment à endiguer le phénomène ?
Alors que les régulations se renforcent en Europe, d’autres pays comme les États-Unis, le Canada ou la Chine adoptent des approches radicalement différentes, révélant ainsi les difficultés d’une harmonisation mondiale. Faut-il suivre un modèle de régulation stricte ou au contraire laisser une liberté totale aux annonceurs ?
A. Le droit français et européen face aux fake news sponsorisées
En France, le principal texte visant à sanctionner les fausses allégations dans la publicité est le Code de la consommation, notamment l’article L121-1 et suivants, qui définit et interdit les pratiques commerciales trompeuses.
👉 Pourquoi cette loi est-elle insuffisante face aux fake news sponsorisées ?
- Elle s’applique principalement aux produits et services commerciaux, et non aux contenus politiques ou idéologiques.
- Son application est difficile sur les réseaux sociaux, où la frontière entre publicité et information est floue.
- Les sanctions sont limitées, et les annonceurs frauduleux peuvent contourner la réglementation en diffusant leurs contenus depuis l’étranger.
Problème : Une publicité politique financée et ciblée sur Facebook qui contient des informations fausses mais non commerciales ne tombe pas forcément sous le coup du Code de la consommation. Elle peut donc circuler librement sans être sanctionnée.
En réaction aux scandales liés à la désinformation, la France a adopté en 2018 une loi spécifique contre la manipulation de l’information. Cette loi permet notamment :
– le déréférencement rapide des contenus manifestement faux en période électorale.
– une obligation de transparence des plateformes sur les financements publicitaires en ligne.
– un recours judiciaire accéléré pour bloquer des contenus de désinformation.
Mais cette loi est-elle réellement efficace ?
- Elle s’applique essentiellement en période électorale, laissant de côté les fake news sponsorisées diffusées en continu tout au long de l’année.
- Elle repose sur l’action des juges, mais ceux-ci n’ont pas toujours les moyens de réagir assez vite face à une désinformation virale.
- Les plateformes sont mises à contribution, mais leur rôle reste flou, et elles ne subissent pas toujours de sanctions si elles ne réagissent pas assez vite.
👉 Cette loi est un premier pas, mais elle est trop restreinte et trop dépendante du bon vouloir des plateformes.
L’Union européenne a récemment adopté le Digital Services Act (DSA), une régulation majeure qui impose de nouvelles obligations aux plateformes numériques. Parmi ses mesures clés :
- Transparence accrue des publicités en ligne : obligation pour les plateformes d’indiquer qui finance les annonces sponsorisées.
- Accès aux données pour les chercheurs et les régulateurs, afin d’évaluer l’impact de la publicité ciblée.
- Sanctions renforcées en cas de non-respect des règles.
Limites du DSA :
- Les plateformes situées hors de l’UE peuvent contourner certaines obligations, rendant l’application du DSA complexe.
- Les sanctions financières sont encore en débat, et certains experts estiment qu’elles ne sont pas assez dissuasives.
- Les obligations de transparence ne suffisent pas à stopper la désinformation sponsorisée, car les algorithmes continuent de privilégier les contenus les plus engageants, y compris ceux qui propagent des fake news.
👉 Faut-il aller encore plus loin et imposer un contrôle plus strict des contenus sponsorisés ?
B. Responsabiliser les plateformes : éditeurs ou simples hébergeurs ?
Si les fake news sponsorisées prospèrent aujourd’hui sur les réseaux sociaux, c’est aussi parce que les grandes plateformes numériques bénéficient d’un statut juridique avantageux qui leur permet d’échapper à toute responsabilité directe sur les contenus qu’elles diffusent.
Officiellement, elles se présentent comme simples hébergeurs, c’est-à-dire des intermédiaires techniques, sans rôle actif dans la sélection ou la diffusion des publicités sponsorisées. Cette qualification leur permet de se soustraire aux obligations qui incombent aux médias traditionnels, qui doivent vérifier l’exactitude des annonces qu’ils diffusent.
Mais cette situation est-elle encore tenable à l’heure où les algorithmes de Facebook, Google et TikTok sélectionnent, amplifient et monétisent ces publicités ?
En France, deux principales autorités jouent un rôle dans le contrôle de la publicité numérique et la lutte contre la désinformation sponsorisée :
1️⃣ L’ARCOM (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique)
Anciennement le CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel), l’ARCOM est chargée de superviser les plateformes numériques et de lutter contre la manipulation de l’information.
Ses missions principales :
– obligation de transparence : les plateformes doivent indiquer qui finance les publicités politiques et d’influence.
– lutte contre la désinformation : imposition de mesures de modération et de détection des fake news sponsorisées.
– encadrement des contenus publicitaires en lien avec les élections et la vie démocratique.
👉 L’ARCOM n’a pas le pouvoir d’imposer directement des sanctions financières aux plateformes qui ne respectent pas leurs obligations. Elle dépend d’autres autorités et du pouvoir judiciaire pour faire appliquer ses recommandations.
2️⃣ La CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés)
La CNIL intervient principalement sur la protection des données personnelles et la transparence des algorithmes publicitaires.
Ses principales actions :
- Sanctions contre l’utilisation abusive des cookies publicitaires, qui permettent de cibler les internautes avec des fake news sponsorisées.
- Encadrement de la collecte de données par les plateformes, notamment pour limiter le micro-ciblage abusif des utilisateurs.
👉 En janvier 2022, la CNIL a sanctionné Google (150 millions d’euros) et Facebook (60 millions d’euros) pour avoir imposé des cookies publicitaires sans consentement clair des utilisateurs.
Plusieurs plateformes ont été sanctionnées pour avoir permis la diffusion de fausses informations sponsorisées.
1️⃣ Google et les publicités trompeuses
- Sanction notable : En décembre 2020, la CNIL a infligé une amende de 100 millions d’euros à Google pour manquements à la réglementation sur les cookies publicitaires.
- Pourquoi ? Google a permis aux annonceurs de cibler les internautes sans leur consentement clair, facilitant ainsi la diffusion massive de publicités mensongères.
2️⃣ Facebook et la désinformation sponsorisée
- Scandale de 2016 : Lors des élections présidentielles américaines, des entités étrangères (notamment russes) ont diffusé des publicités sponsorisées trompeuses sur Facebook, influençant le débat politique.
- Conséquence : Facebook a modifié ses règles publicitaires après le scandale, mais continue de permettre le micro-ciblage politique dans plusieurs pays.
3️⃣ TikTok et la publicité politique déguisée
- En 2022, TikTok a été critiqué pour avoir laissé circuler des publicités politiques non déclarées, en contournant ses propres interdictions.
- Le problème : Des influenceurs étaient payés pour relayer des messages sponsorisés, sans indiquer qu’il s’agissait de publicité.
👉 Ces sanctions montrent bien que les plateformes restent trop permissives, et que les régulations actuelles peinent à réellement dissuader les pratiques abusives.
Aujourd’hui, les grandes plateformes numériques se cachent derrière leur statut de simple hébergeur pour éviter toute responsabilité directe sur les contenus sponsorisés.
- Le statut d’hébergeur (issu de la Directive européenne 2000/31/CE) leur permet d’être exonérées de toute responsabilité, tant qu’elles ne sont pas informées d’un contenu illégal.
- Elles ne vérifient pas systématiquement les publicités sponsorisées, ce qui permet aux fake news d’être largement diffusées avant qu’une modération ne soit appliquée.
- Leur modèle économique repose sur la publicité, ce qui les incite peu à réguler de manière stricte.
👉 En 2019, YouTube a permis la diffusion massive de publicités antivaccins, générant des millions de vues, avant de décider d’interdire ce type de contenus… après des mois de critiques.
Si les plateformes numériques étaient requalifiées en éditeurs, elles seraient tenues de vérifier et valider chaque publicité sponsorisée avant diffusion :
Elles deviendraient juridiquement responsables des fake news sponsorisées.
Elles devraient mettre en place une validation humaine plus stricte, et non se contenter d’un simple filtrage algorithmique.
Les sanctions en cas de diffusion de fake news sponsorisées seraient plus lourdes.
Mais cela pose aussi des questions critiques :
Cela entraînerait un surcoût énorme pour les plateformes, qui devraient embaucher des milliers de modérateurs.
Risque de surcensure : Les plateformes pourraient être tentées de bloquer préventivement des contenus légitimes pour éviter toute sanction.
Problème de subjectivité : Qui décide si une publicité est trompeuse ou non ?
Contrôle accru ou censure excessive ?
Si l’on impose aux plateformes un rôle d’éditeur, cela signifie qu’elles auront un pouvoir de contrôle inédit sur l’information publique.
Mais cette approche ne risquerait-elle pas de conduire à une censure excessive par précaution ?
III. Quelles perspectives pour un marketing plus éthique et encadré ?
Si la publicité numérique a révolutionné la manière dont l’information circule, elle a aussi créé un vide juridique dans lequel prospèrent les fake news sponsorisées et les annonces trompeuses. Les régulations actuelles sont-elles suffisantes ? Doit-on interdire certaines formes de publicité politique ciblée ? Ou existe-t-il des solutions alternatives pour encadrer ces pratiques sans menacer la liberté d’expression ?
Face à ces enjeux, plusieurs pistes émergent : renforcer les contrôles, interdire certains formats publicitaires, ou encore mettre en place des labels de transparence.
A. Encadrer ou interdire la publicité politique et commerciale trompeuse ?
Certaines plateformes ont pris des décisions radicales pour limiter l’impact des fake news sponsorisées dans les campagnes politiques.
Twitter (2019) : une interdiction temporaire de la publicité politique
En 2019, sous la direction de Jack Dorsey, Twitter a annoncé l’interdiction totale des publicités politiques sur sa plateforme. L’objectif ? Éviter les manipulations électorales et empêcher l’amplification artificielle de messages politiques mensongers.
👉 Les annonceurs politiques ont simplement migré vers d’autres stratégies plus opaques :
- Utilisation de groupes Facebook privés pour diffuser des messages ciblés.
- Recours aux influenceurs payés pour relayer des contenus sans mentionner qu’ils sont sponsorisés.
- Publicité indirecte via des groupes de lobbying ou des think tanks.
Meta et Google : une interdiction partielle sous conditions
Contrairement à Twitter, Meta et Google n’ont pas interdit totalement la publicité politique, mais ont instauré des règles de transparence et de limitation du micro-ciblage.
Meta (Facebook et Instagram) exige que les annonceurs politiques s’enregistrent et publient leurs financements et Google restreint le ciblage politique à des critères larges (âge, sexe, localisation), empêchant le micro-ciblage ultra-précis.
Cependant, ces règles restent facilement contournables, notamment via des messages déguisés en contenus organiques ou des campagnes diffusées via des influenceurs non déclarés.
Plutôt qu’une interdiction totale, certains experts proposent une solution alternative : la création d’un label de publicité transparente, à l’image d’un Nutri-Score de la publicité numérique.
- Chaque publicité sponsorisée serait classée selon un indice de fiabilité et de transparence.
- Une autorité indépendante vérifierait si l’annonce respecte des critères stricts (source de financement, clarté du message, absence de manipulation).
- Un indicateur visible (comme un code couleur ou une note) permettrait aux internautes de distinguer les annonces vérifiées des publicités potentiellement trompeuses.
Exemple : le label « Digital Ad Trust »
En France, un label similaire existe déjà pour la publicité numérique : le label « Digital Ad Trust », qui garantit que les sites respectent des critères de sécurité, de transparence et d’éthique publicitaire.
👉 Faut-il confier cette mission à une autorité indépendante (comme l’ARCOM ou la CNIL) ?
👉 Ou bien laisser les plateformes elles-mêmes vérifier leurs propres publicités (au risque d’un conflit d’intérêt) ?
Risque potentiel : Une régulation trop laxiste pourrait rendre le label inefficace. Si les plateformes gèrent elles-mêmes la certification, elles pourraient privilégier des logiques commerciales plutôt que la lutte contre la désinformation.
Face à ces enjeux, trois options semblent envisageables :
Interdire totalement la publicité politique ciblée, mais avec le risque de voir émerger des stratégies plus difficiles à réguler.
Renforcer la transparence des plateformes avec des bases de données publiques sur les annonceurs et leurs financements.
Créer un label officiel garantissant la fiabilité des annonces sponsorisées, sous le contrôle d’une autorité indépendante.
B. IA, deepfakes et publicité sponsorisée : quelles régulations pour demain ?
L’intelligence artificielle transforme profondément le paysage numérique, et son impact sur la publicité et la désinformation sponsorisée est à double tranchant. D’un côté, elle peut être utilisée pour détecter et limiter les fake news publicitaires, mais de l’autre, elle alimente des techniques de manipulation de plus en plus sophistiquées, notamment avec les deepfakes.
Face à ces nouvelles réalités, les régulateurs européens et internationaux doivent trouver un équilibre entre innovation, protection de l’information et respect des libertés fondamentales. Mais peut-on réellement compter sur l’IA pour détecter et contrôler ces phénomènes ? Et jusqu’où faut-il aller dans l’encadrement des algorithmes publicitaires ?
Les grandes plateformes comme Facebook, Google et Twitter utilisent déjà des algorithmes d’IA pour modérer les contenus sponsorisés et détecter les annonces frauduleuses. Ces technologies reposent sur plusieurs méthodes :
- Analyse sémantique : Détection automatique de termes associés à des fausses nouvelles.
- Vérification des images et vidéos : Croisement avec des bases de données d’images connues pour repérer les montages.
- Analyse comportementale : Repérage des comportements suspects (exemple : un afflux soudain de publicités diffusées par un même compte).
👉 Ces systèmes ont montré leur efficacité sur certaines formes de désinformation évidentes, comme les publicités frauduleuses pour des produits miracles ou les fausses annonces financières.
Mais ils ont aussi leurs limites :
- Difficulté à détecter les fake news subtiles, qui ne contiennent pas de fausses informations directes mais manipulent les faits.
- Faux positifs : L’IA peut signaler des critiques légitimes comme étant de la désinformation, notamment lorsqu’elles s’attaquent à des institutions officielles.
- Contournement par les annonceurs : Certains manipulateurs apprennent à adapter leur langage et leurs visuels pour échapper aux filtres de l’IA.
Les deepfakes constituent l’un des plus grands défis liés à la désinformation sponsorisée. Ces vidéos ou images hyper-réalistes générées par IA peuvent transformer un discours, truquer un témoignage ou créer de toutes pièces des fake news virales.
Ils rendent la désinformation presque indétectable, car ils imitent parfaitement la voix et l’image d’une personne.
Ils permettent des attaques politiques d’une ampleur inédite, en diffusant de fausses vidéos compromettantes d’adversaires.
Ils sont de plus en plus accessibles, avec des outils d’IA capables de générer un deepfake en quelques minutes.
👉Face à ce danger, certains pays comme la Chine et les États-Unis ont commencé à légiférer pour imposer des obligations de transparence sur les contenus générés par IA.
Les plateformes ont déjà mis en place des IA de modération, mais elles sont encore très imparfaites.
Les biais des modèles de fact-checking automatique
Elles comparent les publicités aux bases de données officielles pour repérer des contradictions.
Elles analysent le ton et la structure du message pour identifier des schémas typiques de fake news.
Elles croisent les annonces avec des fact-checkers humains, comme ceux de l’AFP ou de Reuters.
Cependant :
Les IA sont entraînées avec des bases de données limitées, ce qui introduit des biais et empêche parfois de détecter des nouvelles formes de désinformation.
Elles peuvent censurer par erreur des critiques légitimes sur des gouvernements ou des entreprises, en les qualifiant de fake news.
Elles sont contournables : les annonceurs modifient légèrement leurs formulations pour passer entre les mailles du filet.
Exemple : En 2020, Facebook a censuré par erreur des articles de journalistes indépendants critiquant la gestion de la pandémie, les assimilant à des fake news.
Aujourd’hui, les plateformes comme Facebook, YouTube et TikTok gagnent de l’argent grâce à la publicité. Elles ont donc peu d’incitation à bloquer des annonces, même suspectes.
Si elles censurent trop, elles perdent des revenus publicitaires.
Si elles censurent trop peu, elles sont accusées de laisser prospérer la désinformation.
👉 Certaines solutions existent, mais elles restent limitées :
Mise en place d’un double contrôle IA + humain, mais qui ralentit la modération.
Création de labels indépendants pour certifier la véracité des annonces, mais qui ne sont pas obligatoires.
Imposition de sanctions financières en cas de diffusion de fake news sponsorisées, mais qui sont encore rares.
Conclusion
La publicité numérique, autrefois simple outil marketing, est devenue un levier puissant de désinformation. Entre fake news sponsorisées, micro-ciblage et deepfakes, elle représente un défi majeur pour la démocratie. Si le Digital Services Act (DSA) en Europe marque un premier pas vers la régulation, les plateformes conservent une grande impunité, la législation reste inégale selon les pays, et l’IA de fact-checking demeure imparfaite. Comment encadrer ces dérives sans restreindre la liberté d’expression ?
Malgré des avancées, plusieurs lacunes subsistent : les plateformes échappent encore à une responsabilité réelle en se présentant comme de simples hébergeurs, les annonceurs contournent facilement les restrictions, et l’IA peine à modérer efficacement sans risque de surcensure. Le DSA impose plus de transparence et prévoit des sanctions, mais celles-ci restent limitées face aux profits des géants du numérique, tandis que le micro-ciblage reste partiellement encadré. Faut-il aller plus loin en renforçant les sanctions et la responsabilité des plateformes ?
Trois pistes se dessinent pour l’avenir : imposer une transparence totale sur les publicités politiques et commerciales, créer un « Nutri-Score » de la publicité numérique pour classifier les annonces selon leur fiabilité, ou encadrer l’IA pour éviter qu’elle ne devienne un outil de censure. À l’échelle mondiale, les approches divergent : aux États-Unis, la publicité politique reste libre même lorsqu’elle est trompeuse, tandis que l’Europe mise sur la transparence et la Chine opte pour un contrôle total. Un modèle unifié est-il envisageable, ou allons-nous vers une régulation fragmentée ?
L’avenir de la publicité numérique pose des questions essentielles : faut-il restreindre certaines pratiques publicitaires ou privilégier un contrôle renforcé ? Jusqu’où doit aller la responsabilité des plateformes ? Et comment garantir que l’IA lutte efficacement contre la désinformation sans menacer la liberté d’expression ? Autant de défis qui restent à relever.